Kamikaze, Automne 1944
( le vent divin )

C'est pendant la bataille de Leyte, à l'automne 1944, que le commandement japonais fut amené à recourir à la méthode désespérée des opérations aériennes suicides, menées par le corps d'attaque spécial aussi appelé Kamikaze (vent divin) en souvenir des deux typhons providentiels qui, en 1724 et en 1281 avaient sauvé le Japon de l'invasion de Kubilay Khan. Le vice-amiral Onishi, commandant la première flotte aérienne, avait pris la décision de recourir à une tactique qu'il jugeait lui-même ''monstrueuse'', par suite du développement de la défense aérienne américaine et de l'inexpérience de ses jeunes pilotes. Leur seule chance de réussite ne reposait plus dans des attaques conventionnelles mais des attaques suicides menées en piqué sur les navires avec des appareils rapides et manoeuvrant comme le chasseur ''Zero-Zeke'' doté pour la circonstance de bombes de 250kg.
Le corps d'attaque spécial composé de volontaires fut créé en quelques jours à Luçon sur le terrain de Clark Field. Sous le commandement du lieutenant de vaisseau Seki, la première formation comprend 4 groupes, baptisés Shikishima (nom poétique du Japon) Nsahi (soleil levant) Yamato (région de Tokyo) et Yamazakura (cerisier sauvage). La première démonstration a lieu le 25 octobre contre les porte-avions de l'amiral Sprague, qui venait tout juste de subir l'attaque de l'escadre de Kurita. Piquant pratiquement à la verticale d'une altitude de 3000 mètres, 6 ''Zeke'' réussirent à toucher durement les porte-avions Suwanne et Sanee. Dans la confusion, ce dernier fut de plus torpillé par un sous-marin japonais qui n'avait pas été détecté. En fin de matinée, une seconde attaque endommageait encore le KitkunBay, le Kawilin Bay et coulait le Saint Lo.
Devant le succès de cette opération, le quartier général impérial ne put qu'encourager le développement du corps des Kamikazes. Sous l'impulsion de l'amiral Onishi, la 26e flottille de la 1ere armée aérienne se spécialisa dans les attaques-suicides à partir des Philippines tandis que deux centres d'entraînement étaient créés à Formose. De fait, les volontaires ne cessaient d'affluer à la suite d'une campagne de recrutement lancée dans tout le Japon, touchant les étudiants et même les élèves de lycées. Le commandement japonais tenait en effet à réserver ses pilotes chevronnés pour les missions conventionnelles ou pour la protection des formations de Kamikazes, réservées à des jeunes gens inexpérimentés.

Chaque semaine, le cours de formation comprenaient deux jours pour l'entraînement au vol de groupe et trois pour les différentes méthodes d'attaque. Deux tactiques avaient été retenues. La première concernait une approche à haute altitude suivie d'un piqué à mort. Même si la formation était repérée à l'avance au radar, l'interception par la chasse était rendue difficile en raison d'une altitude de vol de 6 000 à 7 000 m. La seconde tactique était totalement différente. Les Kamikazes devaient voler au ras des flots pour limiter les risques de détection. En vue de l'objectif, l'appareil se redressait brutalement à 400 ou 500 m avant de piquer sur le navire. Les pilotes étaient incitées à attaquer tout spécialement les porte-avions et à tenter de s'écraser sur les ascenseurs.
Après la répétition de Leyte, les opérations de Kamikazes concernent les nouveaux débarquements américains au Philippines notamment à Mindoro en décembre 1944. Les attaques obéissent à un rituel. Avant le décollage, au cours d'une brève cérémonie, les pilotes boivent un verre de saké. Ils portent un foulard blanc autour du cou et un linge blanc sur la tête sous leur casque, le hachumaki des samourais. Arrivé au-dessus de l'objectif, protégé en principe par une escorte de chasse, le kamikaze prononce une dernière parole : ''Je plonge'' avec l'espoir de trouver sa place dans le panthéon de Yasukani.
Cette technique de combat désespérée ne fut pas le succès espéré et malgré ce que les haut dirigeants japonais annonçaient, les succès furent plutôt mitigés. La solution des attaques spéciales n'a pu conjurer une défaite devenue inéluctable et n'a nullement affaibli l'énorme flotte américaine. Alors que les japonais croyaient avoir coulé 8 porte-avions et 29 croiseurs et endommagé 70 grandes unités, les pertes américaines étaient beaucoup plus faibles et ne dépassaient pas 3 porte-avions d'escorte et 34 bâtiments, pour la plupart de petits tonnages, destroyers, dragueurs, mouilleurs de mines. Par contre 288 navires furent endommagés, pour la plupart encore là, de faibles tonnages. Il est vrai que les Américains subirent des pertes subtentiellement élevées en vies humaines et blessés de ces attaques. En revanche, le bilan japonais était singulièrement lourd avec la disparition de 1,228 Kamikazes et avions d'escorte.
En dépit de ce bilan, le haut commandement était décidé à recourir à une action massive des Kamikazes en cas d'invasion de l'archipel japonais. 10,000 appareils dont la moitié appartenait à l'aéronaval, étaient tenu en réserve pour des opérations suicides sans oublier les Kamashio (mer divine) rassemblant 400 sous-marins de poche, 120 torpilles humaines et 2,000 vedettes explosives. Les deux bombes de Hiroshima et Nagasaki devaient éviter cet ultime holocauste conforme au code du Bushido.
Le 16 août 1945, au lendemain de la capitulation, l'amiral Onishi, à l'origine du corps des Kamikazes, faisait Hara-kiri et laissait une note d'adieu : ''Ils se battirent bien et moururent avec vaillance, croyant à la victoire finale. Choisissant la mort, je désire expier ainsi ma responsabilité devant l'échec. Je demande pardon aux âmes des pilotes disparus et à leurs familles éplorées.''